Presque 31 000 tweets postés. Au moins 50 fois plus de trucs lus, des plus intéressants aux plus débiles mais générateurs d’explosions de rire. Si tout a une fin (sauf le saucisson), je ne pensais pas voir arriver celle de ma présence sur Twitter si vite. Il faut pourtant se rendre à l’évidence : cette fin est nécessaire ; pour moi mais beaucoup devraient se poser les mêmes questions.

Voilà plus de treize ans que je suis sur Twitter. Initialement, c’était « juste pour voir », pour essayer ce nouveau mode de communication et, surtout, de consommation médiatique. Car en s’abonnant aux comptes les plus pertinents, Twitter est un outil diabolique d’efficacité pour avoir chaque jour un aperçu de toutes les infos dont on a besoin à titre personnel ou pro. J’ai ensuite apprécié la spontanéité permise, les échanges enrichissants tant que le ton restait courtois. Même les abrutis finis gens qui avaient du mal à argumenter leur opposition par des phrases structurées finissaient pas devenir distrayants. N’étant pas une personnalité publique traitant de sujets clivants, je n’ai jamais eu affaire à des hordes de trolls ou des raids d’insultes, ce qui me faisait vraiment préférer le réseau zozio aux autres réseaux sociaux. Même les détestables changements d’algorithmes qui travaillaient la TimeLine (le flux principal) de manière à mettre en avant les contenus les plus énervants (pour générer des réactions quitte à devenir toxique) se sont avérés anecdotiques car on peut demander une TimeLine simplement chronologique. Et puis Elon a commencé à lorgner dessus.

L’explosion en vol

Après un psychodrame savamment orchestré pour faire parler de lui et espérer faire baisser le prix de son nouveau jouet, Elon Musk a donc décidé de remanier Twitter du sol au plafond. La modération, déjà laxiste sur certains sujets, a été abandonnée, les équipes concernées ayant été licenciées dès novembre. Dans la foulée, il postait des sondages sur Twitter afin de savoir s’il fallait laisser revenir celles et ceux dont les comptes avaient été suspendus pour incitation à la violence, pour racisme voire suprémacisme blanc et nazisme comme avec le compte de Andrew Anglin. Eh oui, quand Musk prône la liberté d’expression, c’est au sens du droit US et même un peu plus large (sauf si ça le concerne mais c’est un autre sujet).

C’est un fait malheureusement avéré : sur un réseau social, si tout se passe bien, l’entreprise qui le gère n’a pas grand chose à monnayer auprès de ses annonceurs. Ce qui paye, c’est la fréquentation, donc les fameux clash et buzz dont se repaissent déjà certaines émissions sur la TNT. Et Musk le sait puisqu’il s’en réjouissait dernièrement :

I love when people complain about Twitter … on Twitter

Elon Musk, le 10 novembre 2022

Malheureusement pour lui, les annonceurs ont fui massivement, le poussant à … accélérer ses changements et donc à réactiver les comptes évoqués plus haut, de Trump aux plus abjects partisans d’un supposé “ordre moral” (le leur).

On pourrait ironiser en disant que Musk, qui crie souvent avec les loups à propos du wokisme et de la cancel culture se trouve être le premier à suspendre les comptes de journalistes qui lui déplaisent mais c’est, pour moi, la goutte d’eau. Sans modération, Twitter va devenir un nid à harcèlement, quelles qu’en soient les cibles mais Musk a désormais toutes les cartes en main pour en faire l’outil parfait de l’ultradroite conservatrice (terme utilisé par l’extrême-droite-ouin-ouin qui ne veut pas qu’on la qualifie d’extrême-droite-ouin-ouin). Et ce, d’autant plus qu’il a dissous le Conseil d’Administration afin de s’assurer les pleins pouvoirs.

C’est devenu un choix moral

Rester sur Twitter, c’est cautionner la fange dans laquelle Musk se roule et dont il compte tartiner son nouvel outil. Continuer à y participer, c’est lui accorder un blanc-seing pour tout ce qu’il compte mettre en place à l’avenir. Comme le dit très bien Louis Derrac, c’est devenu un choix moral. J’ai des centaines de bonnes raisons de rester sur Twitter, notamment celles et ceux dont j’aime lire les interventions et avec qui j’aime échanger. Mais le choix moral passe avant.
J’espère les retrouver ailleurs, vraiment. Je supprimerai donc mon compte Twitter avant la fin de cette année pour ne rester que sur Mastodon. Facebook et Instagram suivront bientôt mais ce sera l’objet d’une autre explication sur les outils pouvant les remplacer (s’il faut vraiment les remplacer).

À chaque ânerie dite ou faite par Musk, Mastodon gagne des inscrits, ce qui me laisse penser qu’on finira par y recréer une bulle super active sans perdre le côté agréable qui y règne actuellement. Les internets sont suffisamment vastes pour que les gesticulations nauséabondes de quelques-uns, même richissimes et mégalomanes, n’importunent pas ceux qui aspirent à un monde plus ouvert et plus libre.